Claude DEBUSSY

Saint Germain en Laye, 22 août 1862 - Paris, 25 mars 1918

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Biographie

Compositeur français

" Le temps de Debussy est aussi celui de Cézanne et de Mallarmé : cet arbre à triple tronc est peut-être l’arbre de la liberté de l’art moderne. "

Pierre Boulez

 

Rien ne destinait Debussy à la musique : ni ses parents, qui tenaient un commerce de porcelaine à Saint Germain en Laye, au 38 rue au Pain et qui le destinaient à la carrière de marin, ni sa famille (ou proches) n’avaient aucun don musical. C’est grâce à son parrain, Achille Arosa, banquier et collectionneur d’art qui habitait Cannes, qu’il découvrit la mer, Corot et la peinture impressionniste, et qu’il prit ses premières leçons de piano avec Cerutti. Mais ses dons musicaux ne furent vraiment découverts que grâce à Mme Mauté de Fleurville, élève de Chopin, qui lui transmit l’amour du piano, l’instrument du grand compositeur romantique.

 

Les années d’apprentissage – Le Conservatoire (1873-1884)

1873 Debussy est admis au Conservatoire de Paris dans la classe de solfège de Lavignac : maître et disciple s’estimèrent beaucoup mutuellement et échangèrent souvent leurs réflexions sur la musique ou l’enseignement musical. Debussy obtint sa première médaille de solfège en 1876.

1875 Il entre dans la classe de piano de Marmontel, mais là, l’entente fut beaucoup moins sereine : l’élève n’aimait pas trop les exercices (ses progrès pianistiques s’en ressentirent et il ne remportera qu’un 2ème prix de piano en 1877 plus en tant que musicien que virtuose…), mais adorait déchiffrer et préludait souvent les œuvres du grand répertoire par des arpèges ou des accords dont le " baroquisme " épatait son professeur qui se rendait bien compte malgré tout des qualités exceptionnelles de ce disciple récalcitrant (" Ce diable de Debussy n’aime guère le piano, mais il aime bien la musique ").

Debussy n’obtint aucune récompense en harmonie, il se rebellait souvent contre l’enseignement d’Emile Durand, fade, routinier, et parfois à la limite du vulgaire.

1879 Marmontel le recommande à la passionnée égérie russe de Tchaïkovski, Mme Nadedja von Meck, qui était à la recherche d’un pianiste déchiffreur pouvant également assurer l’enseignement musical de ses enfants. Grâce à ses trois séjours d’été) en Russie, prolongés par des voyages en Autriche et en Italie, Debussy sortit de son milieu étroit parisien, s’enrichit sur le plan culturel et fit des rencontres déterminantes : à Venise il rencontre Wagner, à Vienne il entend Tristan pour la première fois, en Russie il découvre les chants tziganes, Moussorgski et Boris Godounov.

1880 Debussy prouve ses dons naturels d’improvisateur, de transcripteur et de réducteur en remportant dans la classe de Bazille un 1er prix d’accompagnement. C’est à cette époque qu’il entre dans la classe de composition d’Ernest Guiraud et qu’il se lie d’amitié avec lui (l’enseignement de Guiraud, très ouvert, le faisait réfléchir sur son art et sa technique).

1881-83 Rencontre des époux Vasnier, événement capital pour sa culture générale et musicale : Vasnier était un architecte cultivé, grand amateur d’art, qui lui fit connaître le monde de la poésie et de la peinture ; quand à Mme Vasnier, il en fut plus ou moins épris et écrivit pour elle ses premières mélodies (elle était soprano aigu), notamment le premier cycle des Fêtes galantes sur des poèmes de Verlaine et la célèbre Mandoline. Debussy allait souvent les voir dans leur villa de Ville-d’Avray, il y trouvait le calme et un certain raffinement intellectuel nécessaires à son épanouissement. Vasnier l’encouragea fortement à préparer le prix de Rome.

1884 Il remporte le prix de Rome avec sa cantate L’Enfant prodigue, révélant ses dons dramatiques et lyriques ainsi que l'influence (peut-être calculée..) de Massenet. Ce qu’il en dit est assez significatif de son besoin d’indépendance notoire : " Quelqu’un me frappa sur l’épaule et me dit d’une voix haletante : " Vous avez le prix !… " Que l’on me croie ou non, je puis néanmoins affirmer que toute ma joie tomba ! Je vis nettement les ennuis, les tracas qu’apporte fatalement le moindre titre officiel. Au surplus, je sentis que je n’étais plus libre. "

Et Marmontel, souvent agacé par cet élève récalcitrant se souvint de ses facéties dans sa classe de piano : " Ah ! le coquinos ! Il se régalait encore dans ma classe des harmonies de Chopin ! J’ai bien peur qu’il ne les trouve plus assez salées… "

 

La construction d’un langage musical propre – La vie de bohème (1884-1892)

1884-87 A l’instar de celui de Berlioz, le séjour à la villa Médicis fut très mal vécu par Debussy : il s’ennuie, il trouve l’atmosphère guindée irrespirable et ses camarades musiciens, peintres ou sculpteurs grossiers… Il y composera Zuleïma Diane au bois et le Printemps, œuvres plus ou moins terminées, qui ne satisfont ni Debussy, ni l’Institut. Les rapports de l’Académie des Beaux-Arts sont très éloquents : " Monsieur Debussy semble tourmenté du désir de faire du bizarre, de l’incompréhensible, de l’inexécutable "… La cantate la Damoiselle élue, d’après Rossetti, reste la seule œuvre achevée de la période romaine, préfigurant pourtant Pelléas par certaines harmonies et couleurs orchestrales.

1887-89 Il revient à Paris et se lie avec la belle Gabrielle Dupont, dite Gaby, qui fait vivre le ménage de ses maigres revenus. Il fait la connaissance de Mallarmé et de ses célèbres " mardis " dans son appartement de la rue de Rome. Mallarmé, ainsi que tous les symbolistes de l’époque, adorait Wagner et Debussy ne faillit pas à cet engouement pour le maître de Bayreuth : il fit deux voyages à Bayreuth en 1888 et 1889, y entendit Parsifal Tristan et Les Maîtres chanteurs et en revint " follement wagnérien ". En 1889, il découvre la musique d’Extrême-Orient à l’Exposition universelle et lit la partition de Boris Godounov que Saint-Saëns avait rapportée de Russie. Toutes ces influences furent profondes, même si les productions qui suivirent montrent un style déjà très personnel : aparaissent pour piano et voix les Ariettes oubliées d’après Verlaine et les Cinq Poèmes de Baudelaire où l’on sent la présence permanente de Wagner mais de façon contradictoire, et dont le Jet d’eau en est le point culminant. Après cette œuvre, Debussy se sentira libéré de l’influence trop pesante de Wagner et pourra se tourner vers d’autres horizons.

1890 Debussy fait la connaissance de Satie qui l’influencera peut-être occasionnellement, mais il ne faut pas attribuer à Satie la découverte d’un vocabulaire harmonique, seul, Debussy sut le porter à un haut degré de raffinement.

 

Les premiers chefs-d’œuvre – L’enfantement de Pelléas (1892-1902)

1893 Debussy compose son Quatuor à cordes, œuvre déjà très personnelle et dont le ton, volubile et changeant, n’obéissait plus aux schémas traditionnels viennois ; Debussy, plus proche de César Franck (notamment dans l’andantino), unifie les 4 mouvements classiques par un thème principal et crée une harmonie et une écriture instrumentale d’essence toute nouvelle. L’accueil du public à la première audition (par le Quatuor Ysaye le 29 décembre) fut plutôt réticent ; Paul Dukas par contre fut plus enthousiaste : " Mr Debussy se complaît particulièrement aux successions d’accords étoffés, aux dissonances sans crudité, plus harmonieuses en leur complication que les consonances mêmes… ".

1893-94 Le 22 décembre 1894, la première audition du Prélude à l’après-midi d’un faune s’avère triomphale (l’œuvre fut bissée) ; composé entre 1892 et 1894, ce premier chef-d’œuvre incontesté révèle le poète moderne de la musique : invention d’une rythmique, d’une harmonie appropriées, souplesse et liberté de l’expression, légèreté et délicatesse des timbres, orchestration arachnéenne et colorée propre à Debussy qui va mettre en valeur certains instruments (flûte, cor ou harpe). Et surtout Paul Dukas résumera ainsi l’essentiel de l’écriture debussyste : " L’idée engendre la forme ". Notons la réaction enthousiaste de l’inspirateur de l’œuvre, Mallarmé, qui remerciera le jeune compositeur en un poème :

" Sylvain d’haleine première
Si la flûte a réussi,
Ouïs toute la lumière
Qu’y soufflera Debussy. "

Le 17 mai 1893, Debussy voit au théâtre des Bouffes parisiens la pièce de Maeterlinck, Pelléas et Mélisande : il en fut vivement impressionné, comme tous les jeunes intellectuels d’alors fortement intéressés par le symbolisme. Encouragé par ses amis, il décida de la mettre en musique et pour cela alla voir Maeterlinck à Gand en novembre ; voici ce qu’il dit du poète belge : " à propos de Pelléas, il me donne toute autorisation pour des coupures… Maintenant au point de vue musique, il dit n’y rien comprendre, et il va dans une symphonie de Beethoven comme un aveugle dans un musée… ".
Debussy se met au travail et terminera une première version de l'œuvre vers 1896 ; en fait, il y travaillera dix ans.

1897-99 Il écrit les Trois Chansons de Bilitis sur des poèmes de Pierre Louÿs, équilibre habile entre la prosodie et le chant pur et qui témoigne de son amour pour la voix ; composition à cette époque des Nocturnes (Nuages, Fêtes et Sirènes) : inspirée par la peinture de Whistler, cette œuvre maîtresse sort définitivement des schémas symphoniques traditionnels. L’harmonie et la couleur instrumentale forment un ensemble parfaitement homogène dont la fraîcheur et la beauté nous ravissent toujours.
Debussy nous éclaire lui-même sur la création artistique d’une époque : " Le titre Nocturnes veut prendre ici un sens plus général et surtout plus décoratif. Il ne s’agit donc pas de la forme habituelle d’un nocturne mais de tout ce que ce mot contient d’impressions et de lumières spéciales. Nuages : c’est l’aspect immuable du ciel avec la marche lente et mélancolique des nuages finissant dans une agonie de gris, doucement teintée de blanc. Fêtes : c’est le mouvement, le rythme dansant de l’atmosphère, avec des éclats de lumières brusques, … de poussières lumineuses participant à un rythme total. Sirènes : c’est la mer et son rythme innombrable, puis, parmi les vagues argentées de la lune, s’entend, rit et passe le chant mystérieux des sirènes. "

Matériellement et affectivement, notons que ces années 1897-99 furent difficiles pour Debussy : la meilleure amie de Gaby, Lily Texier, employée dans une maison de couture, devient sa femme le 19 octobre 1899 (Gaby tentera de se suicider).

1900 Debussy commence à être recherché, il fréquente les cafés élégants, rencontre des personnalités telles que Léon Daudet, Reynaldo Hahn, Marcel Proust… Sa situation matérielle s’améliore grâce à sa collaboration à la Revue blanche : avec Monsieur Croche antidilettante, recueil de ses articles critiques, il prouve sa verve impitoyable et un anticonformisme qui ne date pas d’hier…

1902 L’année de Pelléas

Depuis longtemps, les amis de Debussy avaient essayé de faire accepter Pelléas par un directeur de théâtre, en vain. Ce n’est qu’en 1898 qu’André Messager parvint à convaincre Albert Carré, le directeur de l’Opéra-Comique. Mais une brouille éclata entre Maeterlinck et Debussy : Maeterlinck réservait le rôle de Mélisande à sa femme, Georgette Leblanc, alors que Debussy souhaitait confier le rôle à une écossaise, Mary Garden. Maeterlinck, furieux, lui enleva son autorisation, intenta même un procès, mais Debussy gagna. Pelléas put enfin être représenté le 30 avril 1902, mais dans une ambiance des plus houleuses créée par Maeterlinck et ses amis (on en vint même aux mains…). Messager, qui dirigeait l’œuvre, garda son sang froid et l’œuvre put être terminée. La critique ne comprit rien à ce chef-d’œuvre et témoigna de sa bêtise et de son incompétence ; Camille Bellaigue, camarade de Debussy au Conservatoire de Paris trouve que Pelléas " fait peu de bruit ", mais qu’il s’agit " d’un vilain petit bruit "… Toutefois la deuxième représentation fut un triomphe. Debussy devient un compositeur célèbre et reconnu par ses pairs.

Pelléas et Mélisande est unique dans l’histoire de l’opéra moderne : en totale opposition avec Wagner, l’écriture vocale procède du récitatif mélodique, et est discrètement soutenue par l’orchestre.
" Au théâtre de musique on chante trop. Il faudrait chanter quand cela en vaut la peine, et réserver les accents pathétiques…Rien ne doit ralentir la marche du drame : tout développement musical que les mots n’appellent pas est une faute… ". D’ailleurs Debussy ne modifie que très peu le texte de Maeterlinck, il met en musique (dans le vrai sens du terme) et demeure très attaché aux symboles que les mots suscitent (l’eau, la forêt, la chevelure…).

Pour le piano (1902-1912)

Debussy avait déjà écrit pour le piano (2 Arabesques, la Suite bergamasque, Clair de lune, Pour le piano…), mais sa conception nouvelle de l’utilisation du piano trouve son apogée à cette époque : apparaissent les Estampes (1903), Masques et L’Isle joyeuse (1905), les 2 recueils d’Images (1905-07), Children’s Corner (1906-08). Avec les 2 livres de Préludes (1909-12) aux titres évocateurs (Voiles, Le vent dans la plaine, Des pas sur la neige, Brouillards, La terrasse des audiences au clair de lune…), notons que c’est la musique qui génère le titre et non le contraire ; Debussy prouve une fois de plus, et notamment dans ses 24 Préludes, que la couleur et les thèmes musicaux priment ainsi que parfois une grande audace harmonique. Il n’ira pas plus loin dans l’écriture pianistique ; la recherche des sons, la priorité donnée aux timbres et aux couleurs, les harmonies complexes, les rythmes, la variété et la fluidité des évocations sonores font de ces pièces des monuments fondateurs de la littérature pianistique du 20ème siècle.

En 1903, Debussy fait la connaissance d’Emma Bardac, femme belle, brillante, musicienne. Abandonnant sa femme Lily, il la rejoint à Pourville en 1904. Le scandale va éclater et provoquer sa fuite à Jersey, puis à Dieppe, où il terminera La Mer. Après avoir divorcé tous les deux, Emma (redevenue Emma Moyse) et Debussy se marièrent en 1905. Désormais Debussy vécut une vie tranquille et à l’abri du besoin square du Bois-de-Boulogne où le 30 octobre 1905 naquit sa fille chérie, dite Chouchou (pour qui il écrira Children’s Corner). Pelléas triomphe dans le monde entier, le grand compositeur français a atteint la célébrité.

Autres chefs-d’œuvre (1904-1912)

1904-05 Debussy compose un poème symphonique, La Mer, en 3 parties : De l’aube à midi sur la mer, Jeux de vagues, Dialogue du vent et de la mer. Cette fois-là, la musique illustre à merveille les titres, les couleurs orchestrales, sans cesse changeantes, se meuvent dans une structure musicale riche, la conception des timbres y est audacieuse et très nouvelle. On peut dire que La Mer fait partie, peut être avec Jeux, des œuvres visionnaires de Debussy. Il écrit aussi de nouveaux recueils de mélodies, Trois chansons de France, la seconde série des Fêtes Galantes, le Promenoir des deux amants (1904-10), d’un style parfois dépouillé.

1906-12 Les Images pour orchestre consacrées à l’Écosse pour Gigues, à l’Espagne pour Iberia, et à la France pour Rondes de printemps restent encore peu jouées, sauf Iberia qui brille par sa couleur orchestrale (notamment dans les Parfums de la nuit, chef-d’œuvre d’évocation).

1910-11 Diaghilev demande à Debussy de collaborer avec Gabriele d’Annunzio à une œuvre sur le thème de Saint Sébastien (avec Ida Rubinstein comme principale interprète). Le Martyre de Saint Sébastien, composé en 3 mois, fut donné au théâtre du Châtelet le 22 mai 1911. Le succès fut médiocre ; critiquée par l’archevêque de Paris (supportant mal le mélange paganisme-christianisme), l’œuvre souffre d’un manque d’homogénéité, le texte et la musique sont trop disparates. Debussy ne s’en préoccupera plus.

Dernières grandes compositions (1912-1917)

1912-13 Sur un argument et une chorégraphie de Nijinski, Debussy compose un ballet, Jeux, pour la compagnie de Diaghilev sur le thème de la jalousie amoureuse entre deux jeunes filles et un jeune homme. " Apologie plastique de l’homme de 1913 " selon Diaghilev, ce ballet fut représenté pour la première fois le 15 mai 1913 au Théâtre des Champs-Élysées sous la direction de Pierre Monteux, qui dirigera au même endroit le 29 mai Le Sacre du Printemps de Stravinsky dont la modernité agressive et scandaleuse oblitérera le raffinement et l’écriture toute aussi moderne de l’œuvre de Debussy. On s’aperçoit aujourd’hui avec le recul que Jeux fait partie des œuvres les plus remarquables de la dernière période de Debussy : parfaitement construite, cette œuvre est pensée pour la danse. Selon Boulez surtout, " Jeux marque l’avènement d’une forme musicale qui, se renouvelant instantanément, implique un mode d’audition non moins instantané. " En 1913, apparaissent les Trois Poèmes de Mallarmé, mélodies qui montrent un Debussy proche de l’atonalité.

1914-15 Debussy continue à signer ses plus belles pages (plus nationaliste depuis le début de la guerre, ennemi de Schönberg, il va les signer " Claude Debussy, musicien français " : en 1915, il dédie à Chopin ses deux livres d’Études pour piano, chefs-d’œuvre de la littérature pianistique.
Ces 12 Études traitent de difficultés pianistiques particulières : dans le 1er recueil (Pour les cinq doigts, Pour les tierces, Pour les quartes, etc.), Debussy nous livre les problèmes techniques ;dans le 2ème recueil (Pour les degrés chromatiques, Pour les agréments, etc.), il traite des problèmes de sonorités et d’interprétation. Ces études, exigeant une maîtrise absolue du clavier, réinventent le clavier moderne auquel se référeront les compositeurs contemporains tels
Messiaen, Ligeti

1915 est aussi l’année de En blanc et noir pour 2 pianos, aux couleurs sombres, " Ces morceaux veulent tirer leur couleur, leur émotion du simple piano, tels les " gris " de Vélasquez " en dira Debussy.
1915-17 : il envisage six sonates dans l’esprit français du 18ème siècle ; seulement trois Sonates verront le jour : celle pour piano et violoncelle est la plus libre et la plus fantaisiste ; celle pour flûte, alto et harpe est peut être la plus élaborée avec un grand raffinement des sonorités ; quand à celle pour piano et violon de 1917, elle est très prisée des musiciens et du public. Debussy aura du mal à la terminer car il était déjà très malade.
Dès 1910, Debussy souffrait en effet d’un cancer du colon dont l’évolution fut lente et douloureuse. C’est en 1917 qu’il parut en public pour la dernière fois, en créant avec Gaston Poulet sa sonate pour piano et violon.
" Claude de France " s’éteint le 25 mars 1918 dans un Paris encore en guerre ; il fut enterré au cimetière du Père Lachaise le 28 mars et peu de gens, à part ses proches, s’aperçurent qu’il perdait un immense musicien dont la modernité allait influencer toute la musique du 20ème siècle.
Dès l’apparition du Prélude à l’après-midi d’un faune, Debussy est lui-même. On a toujours exagéré l’importance des influences musicales subies par lui. Certes,
Moussorgski jouera un rôle de révélateur avec Boris, et il ne faut pas sous-estimer son intérêt pour la musique de Wagner, Parsifal notamment (les leitmotivs de ce dernier ont bien laissé quelques traces dans Pelléas), mais la musique de Wagner vient de Beethoven et va vers celle de Schönberg, tandis que le chemin que trace Debussy est unique. Il dira à l’époque de Pelléas : " Il fallait désormais chercher après Wagner et non d’après Wagner. ", ou encore : " Wagner, si l’on peut s’exprimer avec un peu de la grandiloquence qui lui convient, fut un beau coucher de soleil que l’on a pris pour une aurore… " Car il était très opposé à la " ferblanterie " de la Tétralogie.
Debussy innove : grâce à sa rencontre avec les musiques d’Extrême-Orient, il enrichit les rythmes et les timbres en employant la gamme pentatonique orientale pour les évocations exotiques et crée la gamme par tons entiers (Voiles, par exemple) ; voulant créer son vocabulaire et sa forme, il bouleverse le temps musical (une certaine mouvance apparaît dans la musique), suspend la tonalité ; il dira des accords : " D’où viennent-ils ? Où vont-ils ? Faut-il absolument le savoir ? Écoutez, cela suffit. " L’importance du timbre et de la couleur musicale ainsi que la souplesse rythmique et l’infinie mobilité du tempo forment la caractéristique essentielle de l’œuvre de Debussy.
De nombreux compositeurs se réclament de l’esthétique debussyste, de
Messiaen à Boulez en passant par Dutilleux ou Ligeti.
" La musique française, c’est la clarté, l’élégance, la déclamation simple et naturelle ; la musique française veut avant tout, faire plaisir. Couperin, Rameau, voilà de vrais Français ! Cet animal de Gluck a tout gâté. A-t-il été assez ennuyeux ! assez pédant ! assez boursouflé ! Son succès me paraît inconcevable. Et on l’a pris pour modèle, on a voulu l’imiter ! Quelle aberration ! Jamais il n’est aimable, cet homme ! Je ne connais qu’un autre musicien aussi insupportable que lui, c’est Wagner !… "
Claude Debussy

 

CATALOGUE DES ŒUVRES PRINCIPALES

Œuvres chorales et dramatiques
La Damoiselle élue, cantate (1887-89)
Pelléas et Mélisande, opéra (1893-02)
Deux Chansons de Charles d’Orléans, pour chœur sans accompagnement (1898)
Le Martyre de Saint Sébastien, pour soprano, 2 contraltos, chœur et orchestre (1910-11)
Jeux, ballet (1912-13)
Musique pour orchestre
Prélude à l’après-midi d’un faune (1892-94)
Nocturnes (1897-99)
La Mer (1904-05)
Images (1906-12)
Musique de chambre
Quatuor à cordes (1893)
Chansons de Bilitis, pour 2 flûtes, 2 harpes et célesta (1900)
Sonate pour violoncelle et piano (1915)
Sonate pour flûte, alto et harpe (1915)
Sonate pour violon et piano (1916-17)
Environs 80 Mélodies
sur des poèmes de Paul Verlaine (Mandoline, Ariettes oubliées, Fêtes galantes…)
sur des poèmes de Leconte de Lisle
sur des poèmes de Théophile Gautier
Cinq Poèmes de Baudelaire
sur des poèmes de Pierre Louÿs (Trois Chansons de Bilitis)
sur des poèmes de Charles d’Orléans (Trois Chansons de France)
sur des poèmes de Tristan Lhermite (3 Chansons de France, Le Promenoir des deux amants)
Trois Ballades de François Villon
Trois Poèmes de Stéphane Mallarmé
Noël des enfants qui n’ont plus de maison

Pour piano seul
Suite bergamasque (1890-05)
Pour le piano (1896-01)
Estampes (1903)
Masques (1904)
L’Isle joyeuse (1904)
Images I (1905) – Images II (1907-08)
Children’s corner (1906-08)
Préludes I (1909-10) – Préludes II(1910-12)
Études I et II (1915)
Pour piano à 4 mains
Petite suite (1888-89)
Six Épigraphes antiques (1914)
Pour 2 pianos
En blanc et noir (1915)

Extrait(s)

 Prélude à l’après-midi d’un faune

 La Mer - II. Jeux de vagues

 Fin de la première partie de "La Mer"

 Fêtes, deuxième des Trois Nocturnes*

 Golliwog's Cake Walk Children's Corner No 6

* Nuages, fêtes, Sirènes

Voir aussi:

 

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