Anton (Josef) BRUCKNER

Ansfelden , 1824 - Vienne ,1896

 

 

3 premières minutes du Scherzo de la Symphonie n°4 en mi bémol majeur "Romantique".

 

http://www.radiofrance.fr/chaines/orchestres/journal/oeuvre/fiche.php?oeuv=75000018

 

Bruckner : Symphonie n° 4 Romantique

...La version initiale de la Quatrième Symphonie de Bruckner fut écrite de janvier à novembre 1874. Elle sera publiée dans l'édition Nowak en 1975 seulement, et créée à Linz cette même année. De 1878 à 1880, Bruckner remania les deux premiers mouvements, remplaça le Scherzo initial par un nouveau Scherzo, et récrivit entièrement le Finale. Cette version, publiée par Robert Haas en 1936, fut créée à Vienne par les Wiener Philharmoniker dirigés par Hans Richter, le 20 février 1881, et dédiée au prince Constantin Hohenlohe.

Couramment dénommée «Romantique», la Symphonie en mi bémol majeur est une symphonie à programme, si l'on considère les intentions "médiévisantes" et un peu naïves de Bruckner. La première de ses quatre symphonies écrites en mode majeur (il reviendra au mineur pour les deux dernières) est éclairée d'un sentiment de profond attachement à la forêt allemande. Elle baigne dans une lumière souvent légendaire où dominent les cors, instrument dont le cycle du Knaben Wunderhorn a assuré la filiation poétique jusqu'à Bruckner et
Mahler, et auquel il revient d'exposer les thèmes initiaux (premier et dernier mouvements).

Quatre mouvements, comme toujours chez Bruckner

Le premier mouvement, Animé mais pas trop rapide, est classiquement organisé selon la forme sonate. Un premier thème ample et noble est énoncé par le cor parmi un tremblement de cordes d'une forte teneur mystique. La tonalité de si qui donne sa beauté prenante à toute la symphonie, se fait aussitôt entendre dans l'harmonie accompagnant le thème. Puis, bois et cuivres engagent un dialogue selon une harmonie modulante proche de
Schubert et l'espace semble se creuser, donnant des aperçus sur l'infini. Le développement se construit en quatre sections, avant que la ré-exposition ne récapitule les thèmes dans l'ordre initial A la fin du mouvement, les appels de cor font réentendre l'au-delà de la forêt, et attirent vers le merveilleux.

Le deuxième mouvement, Andante quasi Allegretto (4/4), en ut mineur, est une marche funèbre, prise dans des froideurs mélancoliques et des teintes pâles droit venues de
Schubert. Cordes avec sourdines, simplicité des motifs, beauté endeuillée d'un thème aux violoncelles, pizzicati ponctuant avec pudeur un aveu de l'incertitude d'être, lumière inattendue d'un crescendo puissant, le paysage déroule un temps et un espace de recueillement légendaire.

Le Scherzo, indiqué en allemand «agité», est en si bémol. Il fait entendre une «scène de chasse» dans laquelle les cors, comme il se doit, jouent un rôle prépondérant. C'est l'une des pages les plus célèbres de Bruckner. Appels, signaux, trouées de lumières dans la brume, galops dans les clairières du songe : on est ici dans un climat de fantastique évoquant les contes de
Ludwig Tieck ou les errances des personnages d'Eichendorff. Le Finale, «animé, mais sans précipitation», commence pianissimo (si bémol mineur). Puis insensiblement la musique nous porte vers un ut mineur pour un second climat harmonique et thématique. Énoncé fortissimo par l'orchestre entier et uni, un thème violent déchire bientôt le calme mystérieux des sous-bois. Bruckner, avec une science de l'harmonie que pourtant on ne lui reconnaît pas d'ordinaire, réussit à unifier une grande variété de thèmes dans un mouvement contraignant qui conduit inéluctablement dans une coda à la magnifique ré-exposition du thème initial, cette fois aux cuivres sur des triolets des cordes, et conclut toute la symphonie dans sa tonalité première.

On voit Bruckner tantôt comme un naïf dont l'écriture regarderait avec nostalgie vers le passé, tantôt comme un émouvant précurseur romantique de la musique répétitive. Un
Schubert attardé ou un Philip Glass avant l'heure. Un esclave de la contrainte ou un maître de la redite. On lui reproche ses marches harmoniques prévisibles et interminables, ses cuivres brutaux, ses cordes sentimentales. La Quatrième Symphonie dément ces critiques. Cette vaste méditation sur le passé, l'infini et la mort est aussi une irrésistible mise en scène sonore de la fragilité humaine.

Michel Schneider

 

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