GROS Antoine-Jean (Baron) (1771-1835) Napoléon
visitant le champ de bataille d'Eylau, 9 février 1807
Contexte historique Après
la création de la Confédération du Rhin (12 juillet 1806) qui
réunit seize princes allemands sous la présidence de Murat,
grand-duc de Berg, archichancelier de l’Empire, et la dissolution
du Saint Empire romain germanique, l’Empereur se trouva confronté
à un ultimatum de la Prusse (1er octobre) et à une quatrième
coalition des puissances étrangères qui réunit l’Angleterre, la
Prusse, la Russie et la Suède. La « marche vers l’Est »,
jalonnée de victoires – batailles d’Iéna et d'Auerstaedt (14
octobre), prise de Berlin (25 octobre), armistice franco-prussien (9
novembre), prise de Varsovie (28décembre), bataille d’Eylau (8
février 1807), armistice franco-suédois (18 avril), capitulation de
Dantzig (26 mai), bataille de Friedland (14 juin), armistice
franco-russe (21 juin) – s’achève par la paix de Tilsit (7
juillet). Analyse de l'image Le
sujet du tableau avait fait l’objet, malgré la réticence des
artistes pour ce genre d’exercice, d’un concours lancé en
mars-avril 1807 par Dominique Vivant Denon, directeur du musée du
Louvre, sur l’ordre de l’Empereur. Denon rédigea pour les
concurrents une notice détaillée accompagnée d’un croquis
numéroté qui précisait le point d’observation, les éléments du
paysage, la position des armées, la place, les attitudes et les
costumes des différents personnages. Ce programme iconographique, en
vérité trop riche pour tenir en un seul tableau, éclaire
parfaitement les intentions qui présidaient à cette commande
officielle. Il s’agissait de représenter « le lendemain d’Eylau,
et le moment où l’Empereur visitant le champ de bataille vient
porter indistinctement [cet adverbe doit être souligné] des secours
et des consolations aux honorables victimes des combats ». La notice
de Denon, si elle évoque bien un « vaste champ de carnage »,
escamote en fait complètement les lourdes pertes françaises
(notamment celles d’Augereau) et ne désigne explicitement que les
corps ensanglantés des Russes. Il convenait en revanche de mettre en
valeur la magnanimité et la compassion de l’Empereur, représenté
entouré de ses généraux, s’inquiétant des soins médicaux
apportés aux blessés – ce qui ne constituait pas réellement pour
lui une priorité –, et suscitant ainsi la gratitude et le
dévouement des soldats, même vaincus.
Interpétation Le projet de Gros qui respectait dans ses grandes lignes le programme de Denon, fut choisi parmi les vingt-six esquisses remises le 15 mai 1807 au musée Napoléon. La beauté du paysage enneigé à l’arrière-plan, le réalisme sans concession avec lequel sont traitées les victimes du premier plan, identifiables pour la plupart avec des soldats russes, la noblesse de l’attitude du jeune hussard lituanien jurant fidélité à l’Empereur (figure prévue dans le programme de Denon), la majestueuse bonté dont est empreinte la figure de Napoléon, sont autant de traits qui distinguent cet exceptionnel morceau de propagande, conçu dès l’origine comme un pendant aux Pestiférés de Jaffa dont il reprend la thématique de la compassion souveraine. |