Boîte à outils

le méridien

 de Bruxelles

 Adolphe Quételet, directeur du premier Observatoire de Bruxelles avait été chargé, par arrêté royal (1), de donner aux principales localités du royaume les moyens de disposer d'une "heure locale" précise en vue du bon fonctionnement des chemins de fer. La mission consistait à établir dans les villes d'Anvers, d'Ostende, de Bruges, Gand et Liège une petite lunette méridienne et dans quarante et une autres villes du royaume des méridiens qui seraient placés dans les cathédrales, hôtels de ville ou autres édifices favorables à leur établissement.

Bruxelles disposant d'un observatoire (2), il n'y avait pas lieu de construire un pavillon astronomique dans cette ville. Par contre, le grand méridien de Bruxelles (3) fut tracé par A. Quételet en juin 1836, dans le pavement du transept de la cathédrale. La description très minutieuse, dans un rapport adressé au Ministre de l'Intérieur, a été heureusement sauvegardée par... une publication au Moniteur Belge ! (4)

 Le remplacement du pavement en 1988 a malheureusement fait disparaître la lame en laiton de 3 mm de largeur s'étendant sur une quarantaine de mètres. Elle était sertie dans le dallage et la rosace sise à la croisée du transept. Les traces des lignes horaires ont également disparu. L'oculus, petite ouverture permettant le passage du faisceau de lumière solaire, aménagé dans le meneau central, sis à 10,50 m du sol, avait pu être sauvé in extremis en 1992 lors de la restauration du vitrail sis au‑dessus du portail sud. (5)   

La disparition du souvenir de cette "archéologie industrielle" suscita de nombreuses questions parmi les visiteurs. Une demande en vue de la matérialisation du méridien fut également adressée par le directeur actuel de l'Observatoire Royal de Belgique, Paul Paquet, auprès des gestionnaires de la fabrique d'Église et de l'architecte‑directeur des travaux.

 La Régie des Bâtiments des services extérieurs bruxellois a confié en mai 2001, au nom du Ministre, au géodésien Walter Lavrauw cette mission de restauration qu'il a effectuée avec son équipe et l'astronome André Koeckelenbergh.

Cette page de l'histoire des sciences mérite quelques informations complémentaires de par les demandes, sans cesse plus nombreuses, formulées par un grand public soucieux de "vraie" culture.

Si la restauration a été effectuée avec les instruments géodésiques actuels, station totale, appareils de traçage "laser" d'une précision inexistante en 1836, le souci constant a toujours été la conformité la plus grande possible avec la réalisation originale. Certes, on a dû tenir compte des impondérables comme la réalisation d'un autel, inexistant à l'époque, sis depuis 2000, sur le podium à la croisée du transept.

 A l'heure des montres électroniques à quartz et des communications planétaires par satellite, on ne se rend pas compte du concept du temps qu'avaient nos parents au siècle passé. Les horloges de village devaient être réglées sur le cadran solaire local, un dérèglement d'une demi‑heure n'était pas inhabituel.

 Cet état de chose n'était pas admissible pour un bon fonctionnement du réseau de chemins de fer. En 1839, un train quittant Bruxelles pour Malines, qui sont situés sur un méridien très proche (6), ne posait guère de problèmes de synchronisation. En revanche, entre Bruxelles et Liège, la différence atteignait 4 minutes 49 secondes. L'installation d'une "grande méridienne de référence à Bruxelles" s'imposait en vue d'une harmonisation sur tout le territoire... ce qui ne sera fait que cinquante ans plus tard !

Dès 1870, le développement du télégraphe va permettre des synchronisations par signaux voltaïques de bien meilleure qualité entre les différentes gares du pays. Aussi, dès cette époque, le relevé de l'heure sur le cadran solaire de l'église et le transfert du temps vers la gare devient l'objet d'un intérêt mineur. Le projet d'adoption d'un temps moyen européen (7) à la fin du siècle a fait perdre tout intérêt économique au méridien. Souvenir d'une civilisation industrielle, le grand méridien de Bruxelles subsistera tant bien que mal dans la cathédrale jusqu'aux travaux de rénovation du pavement à la fin des années quatre‑vingt.

Le méridien est opérationnel depuis le solstice d'été en juin 2001, soit 165 ans après que Quetelet avait permis aux trains de rouler à l'heure...

Dorénavant, par temps clair, il est possible de voir la "tache lumineuse solaire" couper le grand méridien de Bruxelles au midi solaire local, hélas, seulement entre le début mars et la mi‑octobre. La surélévation des bâtiments, sis Place St Gudule en face du portail sud, cache le soleil à la fin de l'automne et durant une grande partie de l'hiver. Elle porte ombrage à l'image elliptique du soleil lors du solstice d'hiver. Néanmoins, des observations seront possibles au midi solaire local, en cas de nébulosité nulle, sur la ligne du méridien. Vu les incertitudes du climat belge, Quetelet avait déjà fait graver dans le pavement six lignes horaires espacées de cinq en cinq minutes qui permettaient d'augmenter les chances d'observations journalières en tirant parti d'une éventuelle éclaircie. Un calcul astronomique permet aisément d'en déterminer un temps moyen local compte tenu de "l'équation du temps".

Les "restaurateurs" espèrent ainsi avoir rendu hommage à Adolphe Quetelet, grand savant belge de la première moitié du XIXe siècle, et avoir répondu à la demande de nombreux "vieux bruxellois" ainsi qu'à un nombre considérable de visiteurs qui trouvaient une mention du méridien dans les guides touristiques édités avant 1990. Ceux‑ci s'en retournaient frustrés dans leur pays !

Nouvelle attraction, modeste certes, le "Grand Méridien de Bruxelles" glorifie la mémoire d'une opération géodésique qui s'est étendue à tout le territoire national et a permis à la Belgique de tenir sa place dans le concert des nations industrielles dans le courant du XIXe siècle.  

(1) du 22 février 1836

(2) Sis à St Josse-ten-Node, Place Quételet

(3) Lieu des points de même longitude, définissant la direction Nord-Sud

    Méridienne: chaîne de triangulation géodésique orientée suivant un méridien

(4) Supplément au N°41 du 10 février 183.

(5) Marie de Hongrie et Louis II

(6) 26 secondes

(7) Mitler Europäsche Zeit

 Cette restauration a été réalisée par:

Mr André KOECKELENBERGH Astronome Président Extension ULB "Eau D'HEURE", Rue des Trieux 57 - 5651 ROGNEE (Walcourt) 

et le Bureau d' Etudes LAVRAUW, Rue Montagne de l' Eglise 17 - 1970 Wezmbeek.

Source: http://www.cathedralestmichel.be/_private/histarch/fr/meridienfr1.htm