LE BIGEHI

Feuillet d'informations scientifiques et historiques

 

Bigehi-accueil

 

Télécharger le Avril (Word)

Lire les consignes de téléchargement 

Avril 2006

 

Pour capturer sa lune Triton, Neptune a dû briser son couple

 

Pour capturer sa lune Triton, Neptune a dû briser son couple. | AFP/NASA    On les appelle les irréguliers. Autour des quatre géantes gazeuses du système solaire extérieur (Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune), ces satellites se distinguent par leur comportement rebelle. La grande majorité des lunes de ces régions sont rangées sagement sur une orbite circulaire, à la fois proche de leur planète-mère et alignée dans le plan de son équateur. Les irréguliers, eux, divaguent sur des orbites éloignées et inclinées, qui ressemblent bien davantage à des ovales qu'à des cercles. La moitié d'entre eux pousse l'excentricité jusqu'à tourner dans un sens opposé (dit rétrograde) à celui de la rotation de leur planète.

Pour les astronomes, tant de déviances ne peuvent avoir qu'une explication. Les satellites irréguliers ne font pas partie de la famille, ils n'ont pas été formés, comme les réguliers, en même temps que leurs planètes. Les quatre géantes les ont sans doute capturés alors qu'ils étaient eux aussi placés sur une orbite autour du Soleil (dite héliocentrique), après avoir pris naissance dans les confins glacés de notre système.

KIDNAPPINGS CÉLESTES

Plusieurs hypothèses ont été émises sur les circonstances de ces kidnappings célestes. Les atmosphères gazeuses des planètes, plus étendues dans le passé, ont pu freiner les astres qui passaient trop près d'elles et les capturer. Un accroissement rapide de leur masse a pu élargir brusquement leur zone d'influence gravitationnelle. Un choc avec un satellite régulier aurait également pu arrêter de force un visiteur.

Ces scénarios présentaient le double défaut de paraître exagérément alambiqués, et de ne pas justifier le cas de Triton. Avec ses 2 700 km de diamètre, la lune principale de Neptune fait figure de mastodonte parmi la population de satellites irréguliers. Et elle apparaît beaucoup trop massive pour avoir été captée selon les différentes hypothèses en vigueur. Pour régler ce vieux problème, deux astronomes américains, Craig Agnor et Douglas Hamilton (universités de Californie et du Maryland) présentent, dans Nature du jeudi 11 mai, "une solution très élégante", selon Alessandro Morbidelli, de l'Observatoire de la Côte d'Azur, qui commente la trouvaille dans un article publié dans la même édition.

MÉNAGES ASTRAUX

Ils postulent qu'à l'origine, Triton était en ménage avec un autre astre. Ils formaient un système binaire, dont chaque membre tournait autour de leur centre de gravité commun. A chaque demi-tour, la vélocité de l'un d'entre eux s'additionnait à celle de leur orbite. La vitesse relative de l'autre était en revanche réduite puisqu'il allait dans le sens contraire de ce mouvement général. Le plus "lent" des deux n'était momentanément plus en mesure de résister à l'attraction d'une planète proche, telle que Neptune. C'est ce qui dû arriver à Triton, irrémédiablement attiré par la géante, tandis que son compagnon poursuivait, solitaire et anonyme, sa route autour du Soleil.

Les simulations menées par les deux chercheurs valident toutes les variantes de ce scénario. Mais, pour être scientifiquement recevables, encore faut-il qu'elles coïncident avec les observations actuelles. Or la ceinture de Kuiper, vestige de la région qui a dû voir naître Triton, recèle encore aujourd'hui environ 15 % de systèmes binaires. Cette proportion rend tout à fait possible la rencontre entre Neptune et l'un de ces ménages astraux.

Parmi ces couples, l'un est bien connu des astronomes. Il rassemble Pluton, toujours considéré comme la neuvième planète de notre système solaire, et son acolyte Charon. Par leur taille et leur masse respective, ces deux-là ressemblent sans doute furieusement au duo que devaient former Triton et son compagnon, avant que Neptune ne les sépare.

Jérôme Fenoglio

LE MONDE

Image de triton NASA

Voir aussi: