|
LE BIGEHI Feuillet d'informations scientifiques et historiques |
D. DAY
Les "armes" qui ont infléchi le cours de la seconde guerre mondiale. LE MONDE 03.06. |
||||||||||||
Ce conflit a
stimulé l'imagination des ingénieurs et des chercheurs, qui ont porté à des niveaux jamais atteints la détection radar, le décryptage des messages, la prévision météorologique et le développement
des fusées grâce auxquelles l'armée allemande espérait gagner la bataille.
Février 1943. Dans le ciel de Rotterdam, un Short Stirling britannique en mission de reconnaissance est abattu par une batterie allemande de défense antiaérienne. Dans la carcasse du bombardier, les ingénieurs du Reich découvrent un petit dispositif radioélectrique dont ils ignorent la fonction et qu'ils baptisent, faute de mieux, "das Rotterdam Gerät".
Londres réagit cependant prestement et lance la construction, dès mai 1936, de la Chain Home, un réseau de 18 stations radar qui sera achevé en avril 1939. Rudimentaires, les grandes antennes de la Chain Home fonctionnent avec des longueurs d'onde décamétriques. Malgré une technologie embryonnaire, cette dernière jouera un rôle décisif dans l'issue de la bataille d'Angleterre, qui s'engage en juillet 1940.
"Des canons plutôt que du beurre." La formule fut-elle du goût du peuple allemand ? Si celui-ci était prêt à suivre le Führer dans sa volonté de redonner son rang à une Allemagne humiliée par le traité de Versailles, rien n'indique qu'il ait apprécié de devoir se mettre au régime sec en raison du formidable effort de guerre réclamé à la nation. Il y était d'autant moins enclin que la situation intérieure du pays se cessait de se dégrader. A cette époque le chef du IIIe Reich essuie de tels revers - El Alamein, Stalingrad - qu'il lui faut imaginer de nouvelles armes, les Vergeltungswaffen, littéralement les "armes de représailles", propres à lui assurer la victoire sur les Alliés. Deux seront développées à grands renforts d'ingénieurs, de prisonniers et de crédits. D'abord, la Vergeltungswaffe-Ein, ou V1, une bombe volante chargée de 850 kg d'explosifs dont le premier exemplaire - il y en aura des milliers d'autres - frappe Londres le 13 juin 1944. Cette deuxième arme est d'une nature très différente des précédentes, et en particulier de la fusée V1, dans la mesure où elle préfigure ce que seront plus tard les missiles intercontinentaux. Avec ses 14 m de haut, sa masse de 13 t, sa charge d'explosifs de 1 t et sa portée de 320 km, elle dépasse - et de très loin - en performances et en technologies tout ce que les pionniers enthousiastes d'avant guerre ont imaginé en Russie, aux États-Unis et en Allemagne. Sous la férule d'un militaire, Walter Dornberger, et d'un ingénieur, Wernher von Braun, qui plus tard imaginera l'imposante fusée Saturn développée pour conquérir la Lune, les Allemands inventent tout. "Ils nous ont tout appris", l'aérodynamisme, le guidage et la propulsion des engins, estiment les historiens de l'espace. "Ensuite, on a fait qu'améliorer". A telle enseigne que la belle unité des Alliés éclate à la fin de la guerre quand il s'agit de récupérer en toute hâte, et à la barbe de l'armée rouge, les documents, les installations industrielles, les fusées encore en état et leurs pièces de rechange.
Et pour cause. Américains, Soviétiques et Français se sont tous faits la main sur d'anciennes V2 pour développer leurs premiers missiles intercontinentaux. Les Américains avec le Redstone. Les Soviétiques avec les R1, R2 et R3 qui en sont directement inspirés. Et les Français aussi, qui au travers de l'Europe proposeront à leurs partenaires de propulser les Ariane 1, 2, 3 et 4 avec un moteur, le Viking, conçu par Karl-Hienz Bringer, un ancien de Pennemünde et du Mittelwerk, où les fusées allemandes furent assemblées au prix de milliers de morts. Cinq à six prisonniers par V2. Une horreur. Fort heureusement, la V2 a manqué de cette force de frappe dont les missiles intercontinentaux modernes sont aujourd'hui dotés. Quand l'armée allemande lança 15 000 t de bombes avec ses armes de représailles, les Alliés en déversèrent 500 000 t sur l'Allemagne ! Walter Dornberger avait vu juste, mais "trop tôt", fera remarquer plus tard le général Eisenhower. Une chance.
Cent cinquante-neuf milliards de milliards de clés possibles ! Telle était l'affolante complexité engendrée par Enigma, la machine à coder les communications utilisées par les armées allemandes. Inventée en 1918
par l'Allemand Arthur Scherbius, elle entre en service en 1926. Les communications du Reich sont bientôt protégées par un réseau de ces 30 000 machines qui cachent un jeu de rotors et de connexions électriques offrant une combinatoire diabolique. En Grande-Bretagne, l'exploit des Polonais redonne espoir aux cryptanalystes réunis à Bletchley Park, un manoir situé à l'embranchement de la ligne de chemin de fer entre Cambridge et Oxford à 80 km de Londres. Le siège du Government Code and Cypher School (GC & CS) rassemble les meilleurs cerveaux de l'époque - dont certains ont été recrutés grâce aux concours de mots croisés du Daily Telegraph.
Parmi eux figure
Alan
Turing, mathématicien brillant et excentrique. "Heureusement que les autorités ignoraient que Turing était homosexuel, autrement nous aurions perdu la guerre", dira un de ses camarades. Reprenant la stratégie de Rejewski, ce marathonien met au point de nouvelles
"bombes", des machines capables de trouver le code en une heure seulement. La
capture de carnets de code sur des navires ennemis ne sera pas superflue.
Parallèlement, Turing s'emploie à décoder les messages des Geheimfernschreiber, des téléscripteurs fonctionnant sur un principe assez proche d'Enigma, mais plus retors. Ses travaux contribuent à la mise au point par Max Newman, en 1943, du Colossus, considéré comme le premier ordinateur de l'histoire, constitué de 1 800 lampes, capable de lire 5 000 caractères par seconde et d'effectuer divers types de calculs - trois ans avant l'Eniac américain ! Hervé Morin
"Notre sort est entre les mains des météorologistes", déclarait le général Eisenhower avant le Jour J. L'arrivée des troupes alliées à bord de milliers de bateaux et de navires de guerre pour débarquer sur les côtes normandes exigeait en effet des conditions particulières : "Une nuit de pleine lune et peu de nuages pour les bombardements préalables ; un vent faible pour parachuter les hommes et peu de vagues sur la côte pour débarquer les soldats et le matériel", précise Michel Hontarrède, rédacteur en chef de la revue Met Mar publiée par Météo France.
Malheureusement pour le Débarquement, le mois de juin commence par un mauvais temps inhabituel pour la saison. Et, le samedi 3 juin, les différents centres de prévision météorologiques alliés estiment que le temps sera trop mauvais pour un débarquement le lundi 5 juin au matin. En effet, la mer sera trop forte et la couverture nuageuse trop importante. Mais le chargement des hommes et du matériel a commencé, et certains convois sont déjà en mer. De plus, le report du Débarquement jusqu'à la prochaine période bénéfique, quinze jours au plus tard, aurait rendu difficile le maintien du secret. Christiane Galus
1. Dossier sur le site de Météo France http://www.meteo.fr/meteonet/actu/dos.htm 2. Sur le site radar-france.net 3. Sur le site du centre canadien de le sécurité des télécommunications http://collection.nlc-bnc.ca/100/200/301/cse-cst/overview-f/musee.pdf 4. Biographie de Turing
ou
Bigehi
5. La deuxième guerre mondiale en 60 dates
Gratuitement des images libres de droits sur la bataille de Normandie www.archivesnormandie39-45.org
- Histoire des codes secrets, Simon Singh, LGF, 504 p., 2001, 6,75 €. Alan Turing, l'homme qui a croqué la pomme, Laurent Lemire, Hachette Littératures, 200 p., avril 2004, -Le Radar, 1904-2004. Histoire d'un siècle d'innovations techniques et opérationnelles, d'Yves Blanchard, éditions Ellipses, 428 p., 33 €. |