LE BIGEHI

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  N°4 mars 2004

  ACTUALITÉ

Notre cerveau de chimpanzé

Les bienfaits d'un parfum falsifié

Les neurones nous mènent par le bout du nez

Découverte d’une momie d'un lion à Saqqarah

Les astronomes remontent aux Ages sombres de l'Univers

Notre cerveau de chimpanzé

(Agence Science-Presse)

- Comment le cerveau des humains s'est-il à ce point distingué de celui des autres animaux? En fait, il s'agit d'une évolution commencée dès nos ancêtres primates.

Deux récentes études sur la génétique des primates apportent à ce sujet des données nouvelles, l'une sur un gène qui contribue à l'évolution du cerveau, l'autre sur... la vision en couleur.

Il faut se rappeler que l'anatomie a déjà permis d'établir que le cerveau des singes n'a cessé de grossir au fil de l'évolution. Mais "jusqu'à maintenant, on n'avait jamais mis en évidence de façon convaincante un gène dont les changements ont pu contribuer à cette évolution du cerveau", explique Bruce Lahn.

Avec d'autres chercheurs de l'Institut médical Howard Hughes, Lahn a donc identifié un tel gène: lié à la grosseur du cortex cérébral, il aurait évolué de façon particulière chez les grands singes. On pense que ce gène, appelé ASPM, pourrait réguler le nombre de neurones produits par division cellulaire dans le cortex cérébral.

En comparant la séquence du gène ASPM de l'humain avec celle de singes de différentes espèces, les chercheurs ont observé que les mutations de ce gène s'accumulent rapidement, à mesure qu'on progresse sur l'arbre généalogique des primates plus proches de nous –orang-outan, gorille, chimpanzé. Du côté de nos cousins singes plus lointains par contre, le gène ASPM n'a pas subi ces mutations accélérées.  

L'article publié dans le journal Human Molecular Genetics révèle en outre une accélération des mutations encore plus marquée depuis que la lignée de l'humain s'est séparée de celle du chimpanzé. "Nous concluons donc qu'ASPM a subi une forte évolution adaptative dans la lignée de l'Homo sapiens, ce qui est en accord avec son rôle supposé dans le grossissement du cerveau humain", écrivent les auteurs du rapport.

Par ailleurs, en même temps que le développement du cerveau, une autre évolution se produisait chez les grands singes : l'acquisition de la vision en couleurs. Et ce, au détriment des facultés olfactives, suggère une seconde étude, publiée dans l'édition de janvier de Public Library of Science Biology.

On sait que notre odorat est beaucoup moins performant que celui de la souris. Pourtant, humains et souris ont un nombre similaire de gènes des récepteurs olfactifs. Mais une bonne partie des nôtres sont devenus non fonctionnels au cours de l'évolution. Pourquoi cela?

En examinant les gènes de récepteurs olfactifs de 19 primates, l'équipe germano-israélienne a en effet confirmé que plus on progresse dans la lignée des primates, moins il y a de gènes de l'olfaction qui sont fonctionnels: de 83% chez nos lointains cousins les singes d'Amérique (soit le même pourcentage que chez la souris), on passe à 67% chez nos proches parents les grands singes et à un peu moins de 50% chez nous.

Or, ces données conduisent les auteurs à faire un parallèle avec ce qu'on sait déjà de la vision couleur. Les humains, les grands singes et les autres singes de l'Ancien monde possèdent la vision en trois couleurs. Par contre, les singes d'Amérique ne distinguent en général que deux couleurs. Ce qui signifie que la vision tri-chromatique s'est développée au cours de ces millions d'années où le sens de l'olfaction se perdait.

Le cas du singe hurleur confirme ce lien. Bien qu'il s'agisse d'un singe d'Amérique, il possède à la fois la vision tri-chromatique et un pourcentage de gènes de l'olfaction non fonctionnels comparable à celui des singes de l'Ancien Monde.

Les chercheurs suggèrent donc qu'il existe peut-être une logique derrière cette substitution. On pense par exemple que la vision tricolore rendrait l'odorat moins essentiel à la recherche de nourriture.

Y aurait-il aussi un parallèle à faire avec le développement de notre cerveau? En effet, qu'a bien pu sacrifier l'humain pour le développement de son cortex cérébral? La question reste entière.

Les bienfaits d'un parfum falsifié

(Agence Science-Presse)

- Remplacer l'insecticide par une phéromone. C'est la stratégie qu'utiliseront peut-être les producteurs brésiliens de soja. Une technologie moins chère, écologique... et fatalement sexy!

Il s’agit d’une imitation de la phéromone sexuelle des punaises mâles, mise au point par une équipe de la Compagnie brésilienne de recherche en agriculture et élevage (Embrapa). Les chercheurs ont reproduit en laboratoire ces molécules volatiles produites naturellement par les mâles et en ont éparpillées, sous la forme de pastilles, dans des champs de soja servant de projet-pilote.

Les spécialistes en biotechnologie espèrent ainsi attirer les punaises femelles vers une trappe, contrôlant du même coup la prolifération de ces insectes qui détruisent 20% des plantations de soja au Brésil. Pour l'instant, les agriculteurs versent en moyenne 4,5 millions de litres d'insecticides dans leurs champs.

La méthode est décrite comme inoffensive pour la santé humaine et pour l’environnement.

Reste à voir si les agriculteurs décideront de l'utiliser à grande échelle dans leurs plantations. Grâce à cette duperie complotée en laboratoire, le Brésil pourrait voir augmenter sa production de 58 millions de tonnes de grains de soja.

 

Les neurones nous mènent par le bout du nez

(Agence Science-Presse)

  - Qui n’a pas fait l’expérience d’ajouter un ingrédient au plat qui mijote et d’en saboter ainsi tout le parfum... Simple question de perception, puisque l’odeur initiale existe encore, mais le nez la sent différemment en raison de l’ingrédient perturbateur. On l’appelle l’antagoniste. Et il pourrait rapporter gros à ceux qui sauront l’utiliser à des fins commerciales.

Des chercheurs de l'Université de Tokyo, au Japon, viennent d’élucider ce mécanisme de détection des mélanges d’odeurs. Leur étude, parue dans l'édition de janvier du journal de l'European Molecular Biology Organization, révèle comment certaines odeurs modulent les récepteurs olfactifs, telles des clefs dans des serrures. En fait, tout se passe avant d’arriver au cerveau!

C’est en effet au niveau des neurones périphériques, présents dans le nez, qu’a lieu la compétition entre les molécules constituant les odeurs. Certaines odeurs activent les récepteurs de ces neurones, d’autres –les antagonistes– les neutralisent. Et c'est ainsi que la combinaison d’odeurs peut créer une odeur tout à fait inédite. Les chercheurs ont aussi découvert qu’une même molécule peut jouer les rôles opposés d’activateur et d’inhibiteur, un peu comme une clef servant à ouvrir et verrouiller les portes.

Qui sait, il sera peut-être bientôt possible aux vendeurs de jouer là-dessus en développant des odeurs irrésistibles ou d'en camouflant d'autres par un habile jeu sur nos neurones.

Découverte d’une momie d'un lion à Saqqarah

 

Dans la tombe de Maïa, nourrice de Toutankhamon, située dans la nécropole de Memphis, des archéologues français ont fait, en novembre 2001, une étonnante découverte. En effet, ils ont mis au jour le premier squelette complet et en très bon état de conservation, d’un lion ayant vécu en Egypte à l’époque des pharaons. Les travaux de ces chercheurs du CNRS sont relatés dans un article de la revue Nature du 15 janvier.
C'est en 1996, qu’Alain Zivie et son équipe de la Mission d'Archéologie Française au Bubastéon (MAFB), découvre dans la nécropole de Saqqarah, une tombe datant de la XVIIIème dynastie, ayant appartenu à une dame de la cour d'Akhenaton, nommée Maïa. Dans la première salle, les bas-reliefs représentent Maïa jeune, et coiffée d'une lourde perruque, assise sur son fauteuil et portant sur ses genoux un enfant royal, certainement le jeune Toutankhamon.

L’appartement funéraire de Maïa a été réutilisé comme catacombe pour chats pendant la période de domination gréco-romaine sur l’Egypte. Les sols des trois chambres qui le composent étaient d’ailleurs jonchés de coffrets et sarcophages en bois renfermant quelques restes humains, et une multitude de chats embaumés. C’est en fouillant la troisième salle que les archéologues ont eu la surprise de découvrir un squelette de félin. Après différentes analyses génétiques et morphologiques des ossements, les chercheurs pensent qu’il s’agit certainement de ceux d’un lion mâle.

Alain Zivie explique que ce lion momifié a dû être considéré comme étant la réincarnation du dieu Mahes, fils de Bastet, la déesse à tête de chat. La nécropole de Memphis est dédiée à cette dernière. Un grand nombre de lions auraient vécu à l’époque dans la région de Saqqarah, et ont dû y être enterrés, mais aucune preuve n’avait encore été avancée. Il faudrait d’autres découvertes du même genre pour confirmer cette hypothèse.

Olivier Frégaville-Arcas(15/01/2004)

 

Les astronomes remontent aux Ages sombres de l'Univers

 

La quête des frontières les plus éloignées de notre Univers est en pleine ébullition. Coup sur coup, entre le 15 février et le 9 mars, trois équipes d'astronomes dans le monde ont annoncé la découverte des galaxies les plus vieilles et les plus lointaines de notre monde, d'un âge dépassant les 13 milliards d'années. ces observations, ils accèdent à une période où notre Univers, né il y a 13,7 milliards d'années, était encore dans l'enfance, puisque âgé de "seulement" quatre à cinq cents millions d'années.

Pour capter les lumières émises par ces ensembles d'étoiles très lointains, les scientifiques ont fait appel aux observatoires astronomiques spatiaux et terrestres les plus performants dont ils disposent aujourd'hui : le télescope spatial Hubble, le télescope Keck de Mauna Kea (Hawaï), de 10 mètres de diamètre, et le Very Large Telescope (VLT) de l'European Southern Observatory (Chili), constitué de quatre télescopes de 8 mètres de diamètre.

LE MONDE | 16.03.04 |