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N°7 novembre 2005

 

La vie dans les nuages

 

On découvre que les nuages abritent une foule de microorganismes : bactéries, algues, virus, champignons. Et ces organismes sont bien vivants! Ils se reproduisent, se nourrissent et se déplacent sur des milliers de kilomètres dans les nuages d'eau ou de sable. Une équipe américaine a découvert que d'immenses nuages de sable de la taille de l'Espagne traversent l'Atlantique, de l'Afrique jusqu'aux Caraïbes. Résultat : des dizaines d'espèces de bactéries et de champignons pathogènes viennent endommager les récifs de coraux et la végétation des Caraïbes.

Journaliste : Michel Rochon
Réalisatrice : Marièle Choquette

 

Dans les Caraïbes et en Floride, les récifs de coraux sont malades. Une proportion importante des récifs blanchissent. La gorgone, un magnifique corail, disparaît à un rythme alarmant. Le diadème - un oursin de mer - se meurt, et le corail avec lui.

Pendant des années, les scientifiques ont cherché en vain la cause de ces maladies. Et voilà que sur la plage de St. Petersburg, en Floride, un homme croit avoir trouvé la réponse, et elle est pour le moins surprenante. Dale Griffin, microbiologiste pour le United States Geological Survey, croit que la cause des maux qui affligent les coraux vient d'un autre continent. « Quand des tempêtes de sable arrivent au-dessus de la Floride et des Caraïbes, il y a de 3 à 10 fois plus de microorganismes qui flottent dans l'air : des virus, des bactéries et des champignons. » Des microorganismes bien vivants qui auraient voyagé avec les poussières provenant d'aussi loin que le désert du Sahara, en Afrique.

En Afrique, des centaines de tonnes de sable du désert du Sahara sont emprisonnées dans d'énormes nuages. C'est l'harmattan. De plus en plus fréquentes, ces tempêtes sont même visibles de l'espace. En février 2000, des images-satellites de la NASA nous en ont montré une de la taille de l'Espagne. Des quantités astronomiques de virus, de bactéries et de champignons voyagent au centre d'un tel nuage, d'une épaisseur de cinq kilomètres. En une semaine, ces microorganismes traversent l'Atlantique et retombent dans les Caraïbes et en Floride. En fait, les chercheurs évaluent qu'il y aurait de 1 à 2 trillions d'organismes présents dans l'atmosphère.

Comment ces organismes font-ils pour survivre à la traversée dans des conditions aussi difficiles?

À l'intérieur du nuage, certains microorganismes s'abritent dans de minuscules crevasses des grains de sable. Ils évitent ainsi les dangereux rayons ultraviolets du soleil. Ils ont également accès à des molécules organiques nécessaires à leur survie. L'immensité du nuage les protège du vent et des variations de température. « Un pourcentage assez élevé de microorganismes meurent au cours de leur long voyage, explique Dale Griffin. En comparant leurs concentrations dans les nuages de sable en Afrique avec celles des Caraïbes, on constate un taux de mortalité de 90 %. Mais il en reste tellement de vivants que même 10 % est un chiffre énorme. »

Dans les îles Vierges au cœur des Caraïbes, sa collègue écologiste Ginger Garrison a confirmé cette hypothèse. Au fond des eaux limpides, les gorgones - ces gracieux coraux - se meurent. Elle a isolé dans ces coraux malades un champignon bien particulier. C'est un champignon de sol, introuvable dans les Caraïbes, mais présent en Afrique. Seule explication possible : ce champignon a voyagé du désert africain jusqu'aux îles Vierges.

Une chose est certaine. On est en mesure de faire un lien entre les grandes tempêtes de sable du Sahel et d'autres maladies qui affectent le corail. Par exemple, en 1983, une importante tempête de sable est survenue au même moment où le déclin de l'oursin diadème donnait un dur coup aux récifs de la Barbade. Une autre importante tempête de sable, en 1987, correspond au blanchiment généralisé du corail. Une corrélation intéressante.

Mais s'il y a de la vie dans les nuages de sable, peut-il y en avoir dans des nuages d'eau? Est-ce que l'atmosphère pourrait être un écosystème avec sa propre vie?

Parisa Ariya, de l'Université McGill, a fait une surprenante découverte en ce sens. En prenant des échantillons d'air, cette chimiste a trouvé que des bactéries et des champignons vivaient dans l'atmosphère. En analysant les échantillons, elle a identifié la présence de plusieurs molécules essentielles à la survie de ces microorganismes : sucres, gras et acides aminés. Donc, les microorganismes peuvent proliférer, se diviser et se multiplier en grand nombre. À un point tel qu'ils pourraient même participer à la création des nuages.

Pourtant, on a longtemps cru que la formation des nuages était un phénomène purement physique et chimique. En basse altitude, les molécules d'eau se condensent autour de noyaux - des poussières, du pollen ou des molécules comme les sulfates - pour former les nuages. En plus haute altitude, ce sont des noyaux de glace qui déclenchent la formation de nuages. Mais voilà que l'on découvre que les microorganismes et leurs produits organiques serviraient aussi de noyaux pour la formation des nuages. Or, les nuages jouent un rôle important dans le climat de la planète. Ils peuvent non seulement réfléchir la chaleur provenant du soleil, mais aussi emprisonner la chaleur provenant de la terre.

Si les microorganismes jouent un rôle important dans la formation des nuages, il faudra revoir nos modèles climatiques.

On a toujours sous-estimé la quantité et la viabilité des organismes présents dans l'atmosphère. Maintenant, on découvre qu'ils ont un rôle à jouer dans l'écosystème de la planète. Ces organismes pourraient transporter des maladies sur des milliers de kilomètres. Ou bien participer à la création des nuages et, qui sait, avoir une influence encore insoupçonnée sur notre climat.


http://radio-canada.ca/url.asp?/actualite/decouverte/encyclopedie.html

Pour en savoir plus :

Poussières dans le vent
Page du site État de la planète  (http://www.delaplanete.org/index.) (associé à World watch) sur les répercussions des retombées des poussières africaines sur les coraux des Caraïbes.