LE BIGEHI

Feuillet d'informations scientifiques et historiques

Bigehi-accueil

Télécharger le N°7 Word

( une page recto-verso)

Lire les consignes de téléchargement

N°7 mars 2005

  ACTUALITÉ

Le virus inconnu

Qui a chassé les éléphants?

Entomologie. Une antenne a permis de suivre les différents types de trajectoire de l'insecte

Une étude américaine bouleverse la connaissance de l'hérédité.

Le virus inconnu

http://www.sciencepresse.qc.ca

 

Le virus le plus terrifiant du monde, l'Ebola, celui qui vous dévore littéralement de l'intérieur, sans traitement connu, a-t-il soudain un petit cousin tout aussi virulent? Coup sur coup, des services de santé locaux, quatre pays africains et l'Organisation mondiale de la santé, ont lancé une alerte.

On l'appelle le virus Marbourg, ou la fièvre hémorragique Marbourg. Relativement rare, il apparaît et disparaît sporadiquement, à l'image de son cousin Ebola, depuis qu'on l'a identifié pour la première fois, il y a 37 ans. Cette fois-ci, on lui attribue près de 200 morts dans quatre pays d'Afrique centrale, au cours des derniers mois seulement –et c'est sans compter ceux qui ont dû échapper aux écrans radar avant que l'alerte ne soit lancée.  C'est d'ores et déjà le bilan le plus grave de l'histoire du virus Marbourg, et le nombre de décès continue d'augmenter de jour en jour: le sommet de la pandémie n'est pas encore atteint, affirme l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

 

 Il est apparu dans le Nord de l'Angola en octobre, mais ce n'est que le 18 mars que le ministère de la Santé de l'Angola a fait état d'un mal hémorragique d'origine inconnu, et le 22 mars seulement que le virus a été formellement identifié, dans les laboratoires du Centre de contrôle des maladies

                  Le virus Ebola  x 160 000                    d'Atlanta.              

Le 30 mars, l'OMS recensait officiellement 132 cas, dont 127 mortels, dans sept des 18 provinces de l'Angola. Le 8 avril, on en était à 174 décès sur 200 cas recensés, et l'OMS recommandait aux quatre pays voisins de se mettre en état d'alerte: le Congo, la République démocratique du Congo, la Namibie et la Zambie.  Les trois quarts des victimes sont âgées de moins de 5 ans, ce qui fait planer l'hypothèse que le virus ait pu être transmis par des seringues contaminées, lors de campagnes de vaccination.  "Cela va devenir pire avant de s'améliorer", a résumé à l'Agence France-Presse le directeur adjoint aux maladies infectieuses à l'OMS, Anarfi Asamoa-Baah. Il peut s'écouler 5 à 10 jours entre le moment de l'infection et celui des premiers symptômes, en apparence bénins: fièvre, diarrhée, nausées, douleurs musculaires... Inutile d'ajouter que l'équipement médical de pointe fait cruellement défaut dans ces régions, en dépit de l'aide urgente acheminée depuis la semaine dernière par l'Organisation des Nations Unies et divers pays, dont le Canada. La guerre civile y est endémique dans plusieurs provinces. Enfin, l'information de base manque elle aussi cruellement, notamment aux 14 millions d'Angolais qui devraient idéalement être prévenus que le mal peut se transmettre par contact direct avec le sang et les fluides des personnes atteintes ou décédées.  Mais les scientifiques sont eux aussi perplexes, devant un mal qui tue encore plus que lors de ses autres visites: le taux de mortalité est pour l'instant de 85%, alors qu'il s'établissait plutôt à 25 ou 30%. Il n'est pas impossible que ce chiffre élevé soit dû en partie au fait que de nombreuses personnes atteintes du virus ont confondu cela avec une vilaine fièvre, et n'ont donc pas été recensées. D'un autre côté, lors de la plus grosse pandémie de Marbourg jusqu'ici, survenue entre 1998 et 2000 en République démocratique du Congo, le taux de mortalité avait été estimé à 80%...  On n'est pas non plus parvenu à identifier son origine, ce qui permettrait peut-être de concentrer les efforts sur l'épicentre de la pandémie et d'en savoir plus sur son degré de virulence.

Pascal Lapointe

 

Qui a chassé les éléphants?

http://sciences.nouvelobs.com  13/04/05

 

 

Eléphants du parc de Limpopo, dans le sud de l'Afrique. (AP)

 

Lorsque les premiers hommes ont commencé à coloniser les cinq continents de la planète, les pachydermes étaient

beaucoup plus répandus qu’aujourd’hui. Une douzaine d’espèces d’éléphants et de mammouths vivaient en Afrique, en Eurasie et en Amérique. Aujourd’hui il ne reste plus que l’éléphant d’Afrique et son cousin d’Asie. Qui est responsable de cette extinction ? D’après une étude basée sur une quarantaine de sites archéologiques, l’homme serait le principal coupable.

Deux explications ont été apportées à la disparition des éléphants : un changement climatique brutal il y a environ 10.000 ans ; l’action de l’homme préhistorique qui a peu à peu amélioré ses techniques de chasse.  Pour tenter de départager ces deux théories, Todd Surovell et ses collègues ont passé en revue 41 sites archéologiques, vieux de 1,8 millions d’années à 10.000 ans, répartis sur tous les continents. Les chercheurs ont constaté que les éléphants morts jonchaient le chemin parcouru par l’homme au cours de son expansion hors de l’Afrique. De plus les éléphants et les mammouths disparaissaient de la liste des fossiles lorsqu’une région avait été colonisée par l’homme.
S’ils confirment le rôle joué par l’homme dans la disparition de ces grands animaux, ces travaux publiés dans les PNAS n’expliquent pas pourquoi les éléphants ont continué à vivre dans des terrains accessibles à l’homme, comme la savane africaine.
 

Entomologie. Une antenne a permis de suivre les différents types de trajectoire de l'insecte.

Le papillon sait parfaitement où il va
Libération

Planter un radar sur un papillon... Lizzie Cant, de l'institut Rothamsted (Royaume-Uni), a des doigts de fée quand il s'agit de préparer sa thèse sur les insectes pollinisateurs. Car le vol en apparence aléatoire du papillon ne l'est pas. Epiés, une trentaine d'individus ont montré qu'ils savaient parfaitement voler en ligne droite. Et même repérer à distance une zone favorable. L'espion de Lizzie Cant ? Une mince antenne d'un centimètre et demi fixée délicatement sur le dos de l'insecte au moyen d'une mousse adhésive double face pas trop collante, de manière à ce que l'antenne puisse se décoller... Mais il a fallu pour cela enlever les fines soies qui ornent le dos de l'animal, déposer une minuscule goutte de peinture avant de poser l'antenne ! A l'autre bout de la chaîne, Lizzie Cant suit les évolutions des insectes au radar, dans un rayon d'un kilomètre, avec une précision de quelques mètres (1). 

 

 

 

Papillon équipé d'un transpondeur.

 

Jusqu'à présent, les tentatives de décryptage destrajectoires de papillons se faisaient de visu, avec une portée de quelques dizaines de mètres et une grande imprécision. «J'ai d'abord beaucoup observé les papillons avec et sans l'antenne. Il était essentiel de s'assurer que leur comportement n'était pas altéré par la présence d'un corps étranger.»  

Un transpondeur ne pèse que 12 milligrammes, quelques centièmes du poids du papillon. Une fois assurée de l'innocuité de ses transpondeurs, Lizzie Cant est passée à l'acte. Elle a lâché au total 33 papillons de cinq espèces. En moyenne, ils volent entre 1,25 et 3 mètres par seconde (4,5 à 11 km/h), en suivant quatre types de trajectoire. Quand ils ont repéré une zone riche en nourriture, parfois à plus de cent mètres, ils s'y dirigent en ligne droite. Quand ils aperçoivent devant eux une ligne d'arbres peu appétissante, les insectes changent de direction pour suivre un vol parallèle. Enfin, le papillon virevolte surtout quand il s'éloigne d'un buisson «alimentaire». Il reste encore à expliquer comment ils se repèrent. «Sans doute un mélange d'odorat et de vision, mais on ne sait pas grand-chose», avoue la jeune chercheuse.

Denis DELBECQ

(1) Annales B de la Royal Society.

 

Une étude américaine bouleverse la connaissance de l'hérédité.

Une plante mutante défie les lois de la génétique

Liberation

 

Le mutant s'appelle Hothead, «tête chaude». Il appartient à l'espèce Arabidopsis thaliana, cousine de la plante dont on fait la moutarde. Mais rien de tout ça n'explique l'émotion extrême que la description de sa descendance, dans la livraison de la revue Nature à paraître demain, soulève dans la communauté internationale des généticiens. «Si cette découverte avait été publiée le 1er avril, j'aurais dit, spontanément, que c'est un canular», s'exclame Ian Small, directeur scientifique adjoint de l'Unité de recherche en génomique végétale (Evry). «C'est un travail révolutionnaire, ajoute son collègue Vincent Collot. On est là face à un mode de transmission de l'hérédité jamais observé et tout à fait inexplicable en l'état actuel des connaissances. Cette découverte, si elle est validée par d'autres laboratoires, obligera à revisiter une part non négligeable des données acquises en génétique.»

   Altérations. Les observations de l'équipe de chercheurs de l'université Purdue (Indiana, Etats-Unis) conduite par le généticien Robert Pruitt sont des plus étonnantes. Ce groupe de biologistes travaille de longue date sur la plante Arabidopsis thaliana, équivalent chlorophyllien de la souris de laboratoire. Depuis quelques années, Pruitt et ses collègues s'intéressent à Hothead, l'un des innombrables mutants isolés dans cette espèce végétale, dont l'ADN a été entièrement séquencé. Travaillant à élucider la formation des organes sexuels chez la plante, les chercheurs avaient jeté leur dévolu sur ce mutant fertile qui présente diverses altérations d'un gène (qu'ils ont nommé Hothead), altérations dont le résultat le plus visible est une configuration bizarroïde des organes floraux. «C'est ainsi que Pruitt a vu qu'il se passait quelque chose d'étrange dans la descendance des mutants Hothead», dit Vincent Collot.

Etrange en effet, la découverte, chez les rejetons de ses mutants, d'un grand nombre de plantes...  normales ­ soit jusqu'à 10 % de l'effectif. L'examen de l'ADN de ces rejetons devait révéler qu'ils ont perdu toute trace de mutation dans le gène Hothead : ils possèdent la version normale du gène, celle présente chez leur ancêtre «non mutant». Leurs parents ne possédaient pourtant pas ce gène «normal», les chercheurs s'en étaient assurés. Comment un caractère génétique absent de l'ADN des parents mais présent dans l'ADN ancestral peut-il figurer à nouveau dans celui des enfants ? L'énigme défie deux piliers fondateurs de la génétique moderne. D'une part, les lois de l'hérédité découvertes en 1866 par Gregor Mendel, selon lesquelles le patrimoine génétique des enfants est constitué d'une partie des gènes du père et d'une partie des gènes de la mère. D'autre part, un second dogme, éclairé par la découverte de la structure de l'ADN en 1953, selon lequel les caractères génétiques sont transmis par l'ADN contenu dans le noyau des spermatozoïdes et des ovules.

Des événements génétiques complexes peuvent faire apparaître dans la descendance des caractères absents chez les parents, et nouveaux. Mais là, il n'y a pas apparition d'un trait génétique inédit mais restauration d'un trait ancestral, et cela à une fréquence qui ne saurait être due au hasard.

Face à une telle bizarrerie, les chercheurs ont testé toutes sortes d'hypothèses «réalistes», dont la contamination fortuite des «géniteurs» par des plantes non mutantes ou l'existence, dans l'ADN des parents, de copies du gène normal à des endroits inattendus. Rien. A l'évidence, il y a eu transmission d'un caractère génétique de façon «épigénétique», c'est-à-dire via un autre support que l'ADN parental. Quel est ce support qui garderait la mémoire de gènes perdus, sous une forme capable de susciter la traduction de cette mémoire en ADN ?

Hypothèses. «Face à un tel phénomène, on est contraint de faire des hypothèses», note Vincent Collot. L'équipe américaine propose un mécanisme selon lequel la version normale du gène serait présente, chez les parents, sous la forme d'un ARN ­ une molécule intermédiaire entre l'ADN et les protéines ­, cet ARN accompagnant l'ADN transmis aux enfants. Hypothèse parmi d'autres... Ainsi que le soulignent les commentateurs dans Nature, cette observation suscitera de très nombreuses expériences. Comme toutes les grandes découvertes.

Corinne BENSIMON