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António
Lobo Antunes |
Christian
Bourgois Editeur |
10/18 |
Traduit
du portugais par M. Giudicelli et O. Kleiman |
1990
(première publication : 1988)
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Don
Quichotte et la mule morte, peint
par Honoré Daumier en 1867 |
Résumé
Alors que la révolution des
Oeillets (1974) se termine à peine, un hôtel sordide, " l’Apôtre des Indes ", accueille toutes les victimes de la décolonisation. En proie à une amertume bien compréhensible, nommée ici saudade, les pensionnaires ne sont autres que les héros de l’époque mémorable des grandes découvertes. Le plus connu d’entre eux, Vasco de Gama, y évoque ses souvenirs en compagnie de son compère le roy Manoel. Ensemble, ils contemplent le Tage du haut du Pont du 25 avril, jouent à la belote avant d’être arrêtés par la police puis envoyés dans un asile psychiatrique à la suite d’une virée nocturne au volant d’une voiture déglinguée. Quant à l’homme prénommé Luis, entendons Luis de Camões, il tente de ramener son père tué par les milices de l’U.N.I.T.A. avec l’aide d’un manchot nommé Cervantès. Arrivé à Lisebone, le cercueil devient encombrant ; il le jette dans le Tage en emportant le cadavre
par dessous un bras. Il s’assied à la terrasse d’un café et se met enfin à écrire la première stance de son poème. Le garçon de café l’invite chez lui pour diluer le cadavre en décomposition et l’enfermer dans une
bouteille…
"...il
avait fait la connaissance d'un manchot espagnol qui vendait des
billets de loterie au Mozambique et s'appelait don Miguel de
Cervantes Saavedra, un ancien soldat qui passait son temps à
écrire un roman intitulé Don Quichotte, Dieu sait pourquoi,
car personne n'ignore que Don Quichotte, c'est le nom d'un cheval de
steeple-chase..."
p.
31
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Commentaire
La publication du
Retour des caravelles a provoqué une levée de boucliers dans la presse portugaise, parce qu'en s'attaquant au mythe des grandes découvertes, Lobo Antunes touche
au fondement du nationalisme portugais. Les héros d'hier, dont les faits d'armes furent chantés par Camões dans la célèbre épopée,
Les Lusiades, ne sont plus que d'infâmes trafiquants en tous genres, capables des pires vilenies, s'adonnant sans restriction au proxénétisme, vivant dans la crasse de banlieues sordides. Les héros sont soit des cyniques qui exploitent sans état d'âme soit des névrosés qui attendent en contemplant la mer l'arrivée du roy Sébastien. Ce personnage historique obsède d'ailleurs les esprits parce que son retour signifierait, pour bon nombre de Portugais, le retour d'une prospérité et d'une grandeur perdues depuis des siècles.
En ironisant cruellement et le plus souvent violemment sur le sort du Portugal qui lui importe peu, Lobo Antunes entend ainsi marquer son refus de tout nationalisme parce que c'est le sort de l'homme en général qui l'intéresse. Il cultive à cet effet un goût pour l'exagération avec une écriture empruntant les figures de rhétorique susceptibles de grossir les traits de la caricature. La multiplication des procédés hyperboliques tels les métaphores ou les personnifications, la présence d'archaïsmes saugrenus ainsi que le recours fréquent à l'hypallage permettent de se gausser, dans des raccourcis parfois brutaux, d'un Portugal les yeux rivés sur sa splendeur passée.
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Le
cadre historique à double
fond
Au
XVème siècle, les Portugais se mettent à explorer le monde et
cherchent la route qui pourrait mener aux Indes, finalement
atteintes par Vasco de Gama en 1497. Suite à cette grande période
d'exploration, le Portugal est à la tête de nombreuses
colonies dont le Brésil, le Mozambique et l'Angola. Avec la
"Révolution des Oeillets" de 1974 qui met fin à la
dictature militaire, les dernières colonies obtiennent leur
indépendance.
Pour
en savoir plus...
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Références
bibliographiques : |
1)
J.
FAVIER, Les grandes découvertes, Paris, LGF, 1997, Le Livre
de Poche Références
2)
Y.
LEONARD, La Révolution des Oeillets : 25 avril 1974, Paris,
Chandeigne, 2000, Lusitane
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Ella
FICTION |
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